Stella
Ecriture d'un mythe, fiction documentaire
« L'important est de créer un monde différent, de créer un monde qui n'est pas maintenant. Un monde réel, un monde authentique, mais qui permet au mythe de vivre». Sergio LEONE
Par ces mots, Leone suggère que la vision du metteur en scène est de retranscrire une réalité authentique mais dans une temporalité différente pour nourrir le mythe d'un lieu. Ici il s'agit de créer le mythe d'une ville oubliée par les livres d'histoire dans un projet de fiction documentaire.
C’est le point de départ de Stella, un récit visuel sur le portrait d’une ville et de ses habitants. Depuis 20 ans, je cartographie avec compulsion la petite station balnéaire d’où je suis originaire pour créer les photographies qui formeront la série éponyme Stella. J’y explore cette ville figée dans le passé et ses habitants férus de liberté. Car ici, tout fait décor de cinéma et il y règne une atmosphère de western. On parle d’ailleurs des pionniers pour évoquer ceux qui sont venus créer cette ville dans les années 20 sur les dunes nues. Ici, il n’y avait ni eau ni électricité. Ces hommes et femmes ont crée une cité-jardin en forme d’étoile, étoile que l’on voit du ciel. Ce projet ambitieux a malheureusement avorté à cause de la Seconde Guerre Mondiale dont les bombardements ont endommagé les bâtiments et figé la ville dans le temps. Depuis, celle-ci a peu changé. Et c’est dans ce décor de cinéma que j’ai grandi. Ce paysage américain sur les côtes du Nord a nourri mon imagination débordante.
Je me suis mise à photographier les lieux, les détails, les scènes de vie et les espaces creux de cette ville dont la riche âpreté envoûte ceux qui savent regarder. Durant 20 ans, j’ai aussi vu les bâtiments être menacés de destruction ou tout simplement rasés. Longtemps oubliée, la ville connaît aujourd'hui un regain d’intérêt et les promoteurs immobiliers affluent en masse pour construire sur le dernier espace vide de cette côte du Nord. Un nouvel eldorado à l'américaine en somme. Plus que jamais, je photographie ce qui va disparaître.
Le traité de ce projet mêle photographies, archives et un film documentaire en cours de réalisation. Il s’attache à retranscrire l’atmosphère particulière qui règne dans la ville. En immortalisant ces lieux insolites et les habitants épris de liberté, c’est aussi le sujet de la résistance passive qui est exposée. Ici, on a fini par aimer ces lieux vides et ces espaces sauvages. A leurs manières, mes voisins revendiquent un art de vivre et résistent, de manière sensible, à l’uniformisation touristique de ce bord de mer du Nord pour mieux revendiquer leur droit à l’horizon.
Ce projet est le premier opus de mon projet d’écriture épique du Nord, une nouvelle façon de voir ma région.